Histoire
Fondée à la fin du XVIIIe siècle, Porto-Novo a l’épaisseur et la diversité sociale d’une ancienne cité. Comptoir de traite négrière et ville royale puis centre commercial et administratif de la première implantation coloniale, elle se développe à la fin du XIXe grâce aux immigrations afro-brésilienne et yoruba. L’ancienne cité est encore repérable au bord du rivage de la lagune, avec ses ruelles tortueuses, ses multiples concessions de collectivités familiales, ses placettes. Le vodoun en jalonne la toponymie et l’espace, à travers les sanctuaires familiaux, bien entretenus, en matériaux solides (ciment, tôle), parfois situés à l’intérieur des concessions, parfois sur des placettes qui juridiquement relèvent du domaine public, mais sont considérées comme des extensions de l’espace familial et protégées par des autels de génies (legba) et d’ancêtres divinisés. Les chefs de famille (même musulmans ou chrétiens) investissent pour y aménager des portiques, restant ainsi au cœur d’une parenté étendue, puisque les cultes familiaux se font en ces endroits. Une cohabitation religieuse s’est donc instaurée au sein de chaque quartier entre vodoun “ familial ” et monothéismes.
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Ethnie et religion
Cependant, les édifices religieux monothéistes constituent les références les plus visibles et imposantes, avec environ 75 mosquées de quartiers et 152 lieux de cultes chrétiens correspondant à 63 dénominations. La géographie des appartenances religieuse est contrastée, avec une dissymétrie majeure liée à l’histoire du peuplement, opposant le vieux centre-sud, dense, marqué par la présence des palais royaux, où les cultes coutumiers sont plus présents, l’est de la ville, avec les quartiers commerçants yoruba plus denses et musulmans, et l’ouest, développé autour de la mission catholique, plus chrétien et coutumier. Mais les différences s’accusent entre quartiers et sous quartiers, et l’ensemble de la ville apparaît finalement comme une véritable mosaïque. D’autant plus que la diversification croissante du christianisme ne permet plus de se limiter à une image tripartite du champ religieux à Porto-Novo.
Même si le recensement de 1992 ne permet pas de corréler statistiquement ethnie et religion , on sait que le poids et la répartition de l’islam à Porto-Novo est lié à celui de la communauté commerçante yoruba (1/4 de la population). En parler gun, le même mot signifie “ musulman ” et yoruba. Cependant, au gré des alliances matrimoniales ou de choix individuels, on retrouve des musulmans dans toutes les ethnies et, symétriquement, des Yoruba dans les cultes coutumiers et les églises chrétiennes. La communauté afro-brésilienne, majoritairement catholique, comporte aussi une forte minorité musulmane à qui l’on doit le style baroque de la grande mosquée de Porto-Novo construite entre 1910 et 1935 sur le modèle d’une église de Bahia.
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Le Vodoun " Zangbétô"
D’autre part, les adeptes des divers monothéismes se trouvent liés aux divers niveaux d’encadrement social traditionnel, et notamment aux associations coutumières de masques (Zangbéto d’origine adja, Egoun-goun d’origine yoruba, etc.) toujours très vivaces. La société Zangbéto fut fondée au milieu du XVIIIe siècle, lors de la constitution de la cité royale où elle jouait le rôle de “ police ”. Ses initiés sont les “ chasseurs (gbèto) de la nuit (zan) ” ; leurs cibles sont les voleurs, les mauvais esprits et les sorciers. Chaque groupe se réunit dans un enclos particulier devant lequel trône un masque. L’ensemble est gardé par un génie protecteur qui ne fait pas l’objet d’un culte, mais auquel les initiés remettent occasionnellement des offrandes alimentaires. Afin de contrôler le territoire qui lui est dévolu, la société multiplie ses groupes (229 répartis dans toute la circonscription urbaine).
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Vodoun et religion
Les yoruba, originaires du monde rural (dénommés ici Anago) possèdent aussi leurs propres associations de masques égoun-goun. Or, la moitié des responsables actuels de l’association "zangbéto" sont catholiques, et deux sont musulmans. A Porto-Novo 16 des 38 responsables, plus le responsable de l’association pour toute la ville, sont des Yoruba musulmans. Mais ce sont encore des catholiques qui sont majoritaires à la tête de cette association, soit 21 sur 38. Bien que cette société soit originaire du pays yoruba, des Goun y sont chefs de groupe, et les Afro-Brésiliens, absents au sein de Zangbéto, sont ici bien présents.
Cette porosité entre pratiques et groupes d’appartenance, qui crée du lien social, contribue sans doute à la rareté des affrontements religieux au Bénin entre les cultes de type coutumier et les grands monothéismes. S’il existe des conflits, parfois violents, ils ne font l’objet d’aucune récupération politique. Ainsi, en avril 1993, des affrontements populaires entre musulmans et membres de la société Zangbéto de Porto-Novo ont été stoppés par un arbitrage de lettrés musulmans, l’intervention du président de l’assemblée nationale et divers notables de tous horizons. A Porto Novo, la cohabitation religieuse est fondatrice de la ville et de la prospérité commerciale de familles yoruba qui opèrent dans tout le pays. Contrairement aux pays miniers où s’est généralisée l’économie de pillage, la ressource économique principale du Bénin est bien le commerce de transit basé sur la paix civile, et tous les acteurs économiques et politiques en ont conscience, qui tirent les meilleurs profits de l’“État-entrepôt ”.
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